08 JANV.
2023

Les petits pois ou la folie du légume nouveau

Les petits pois sont déjà bien connu depuis le moyen âge mais leur mode commence vraiment au XVIIe siècle.

Cette mode verra le jour lorsque l’officier de bouche de la comtesse de Soissons, soit Olympe Mancini, celle qui possédait comme maison des champs le château de Condé en Brie, présente en 1660 au roi louis XIV une corbeille magnifique de petits pois. Sa majesté et les seigneurs présents s'exclamèrent car on était au mois de janvier! Le comte de Soissons en écossa même une poignée. Le roi en devint très friand même contre l'avis de son médecin le docteur Fagon, celui qui lui avait fait interdire plus tôt les vins de Champagne. Il accusait les pois de procurer au roi des concerts de vents...Madame de Maintenon dans sa correspondance indique que "L'impatience d'en manger, le plaisir d'en avoir mangé et la joie d'en manger c'est le sujet de conversation de tous les princes du royaume. C'est une mode, c'est une fureur".

Bien sûr, la mode de Versailles atteint vite Paris. Boileau dans Le Repas Ridicule conte que l'on sert à un seigneur lors d'un repas bourgeois des pois verts se noyant dans l'eau. L'invité écœuré fait le serment que si à l'avenir il se laisse encore entraîner à ce genre de repas infâme il se punira en ne buvant plus que des vins de Brie( qui heureusement n'existent plus de nos jours!), se privera de gibier tous les hivers et surtout, comble de sacrifice, attendra le mois d'août pour manger des pois verts.

Ce désir de consommer des légumes de bonne heure va inciter les jardiniers et particulièrement La Quintinie au potager du Roy à cultiver sur des couches chaudes faites de fumier de cheval en fermentation.

La dégustation de pois précoces permet de se distinguer et de prouver son appartenance à une classe sociale. L'important étant de manger des pois avant tous les bourgeois. Ces plaisirs gustatifs vont donner naissance à la littérature culinaire avec la publication du "Cuisinier François", permettant de mettre les recettes de cuisine créées pour les grands du royaume à un public plus étendu. Recette de la garniture de pois : "Nettoyez laitues, chicorées ou concombre et petits pois passés et cuits au beurre, sel et peu de poivre. Lorsque vous serez prêts de servir, faites mitonner votre pain avec votre purée et garnissez d'artichauts en culs puis servez."

Les pois sont tellement à la mode que les expressions pittoresques et les proverbes se multiplient sur ce simple légume : "Vous me regardez de travers, vous ai-je vendu des pois qui ne cuisent point?" ou encore "Il va, il vient comme pois en pot". Et La Fontaine dans tout cela?

On peut penser que chez lui à Château-Thierry, il consommait des pois en saison, mais que souvent invité à la table des grands il devait s'en régaler de bonne heure. Son fidèle ami François Maucroix dans une épigramme utilise l'expression imagée suivante au sujet d'une femme enceinte "Le pois est enflé dans la cosse". Ce qui nous mène tout droit à un des contes de La Fontaine, Le Faiseur d'oreille et le Raccommodeur de moule où il utilise justement une expression à la mode sur les pois.

Voici l'histoire : Alix est enceinte et son époux Guillaume est en voyage. Le voisin nommé André vient la voir et lui fait croire que son mari n'a pas achevé son travail car il le voit bien, son futur enfant n'a qu'une oreille! Il propose à l'innocente de terminer l'ouvrage en galant homme et pour cela de revenir chaque jour sur le métier. Le mari rentrant de voyage, Alix lui raconte le dévouement du voisin... Le mari furieux décide de se venger en coupant une oreille au coupable puis bientôt change d'avis et décide de lui rendre " Fève pour pois et pain blanc pour fouace" c'est à dire de se venger en lui rendant la pareille et mieux encore. Voici comment : le voisin revenant une fois de plus parfaire la fameuse oreille, le mari trompé surgit brusquement. André tremblant se cache sous le lit et entend quel sort est promis à son oreille. Le mari fait alors venir la femme d'André dans la chambre et se met en devoir de réparer le moule qui fait selon lui des nez trop courts à la progéniture de la voisine. André craignant un terrible châtiment reste coi dans sa cachette. "André vit tout et n'osa murmurer. /Mieux vaut, tout prisé, cornes gagnées que perdre ses oreilles".

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