15 JANV.
2023

Dame Françoise de La Fontaine, une femme de caractère

Je vous propose de nous pencher un peu plus sur la mère de Jean de La Fontaine, Françoise, femme au caractère bien trempé dont on sait peu de choses mais qui nous éclaire sur l’ambiance qui régnait dans la famille.

Dans le numéro d'octobre 2018 de notre petit journal, nous avions évoqué la famille maternelle de Jean de La Fontaine, les Pidoux et notamment ses ancêtres médecins royaux. Elle laissa entre autre en héritage à son fils Jean, un bien de famille remarquable : son grand nez. « Les Pidoux ont du nez et abondamment » dira-t-il en rencontrant quelques membres de sa famille maternelle dans le Poitou.

Françoise naît donc en 1581 à Coulommiers, se marie en premières noces à Louis de Jouy, riche commerçant dont elle aura une fille Anne née en 1610. Puis la voilà veuve et fortunée, un très beau parti donc. Charles de La Fontaine futur père de notre fabuliste sentant probablement sa bonne fortune l’épousa à Coulommiers en 1617 bien que Françoise à l’époque soit considérée déjà comme une femme vieillissante : pensez donc 35 ans ! Mais son jeune mari, son cadet de 12 ans, n’y voit là rien à redire. D’ailleurs, elle assurera la descendance des La Fontaine puisque Jean naîtra quatre ans plus tard et son frère Claude deux ans après. Avec ce mariage, Charles élevait le niveau social de sa famille, en effet, il entrait en possession des avoirs de son épouse et devenait le tuteur des biens très importants de sa belle-fille, laissés par son père Louis de Jouy. L’aisance financière, comme en témoigne l’achat de la maison, élevait les La Fontaine au rang de notables de la ville. Ne manquait au bonheur de Charles qu’un titre de noblesse…

En 1623 Françoise s’estime lésée après la mort de son père car elle trouve que son frère aîné a été bien trop avantagé par l’héritage. Elle va donc avec ses autres frères et sœurs faire un procès à son frère Valentin. Dame Françoise commence à nous montrer sa force de caractère et sa ténacité. Quelques années passèrent et c’est alors que Françoise voulut marier sa fille Anne alors âgée de 16 ans à un beau parti, Philippe de Prast, d’origine noble, secrétaire à la chancellerie de Paris. L’idée dut sembler bien mauvaise à Charles qui refusa catégoriquement ce mariage. Anne partant du foyer familial, cela signifiait la fin d’une grande aisance. En effet, Charles se trouvait alors dans l’obligation de rendre à Anne ses biens qu’il administrait jusqu’ici et qui constituaient la dot de sa belle-fille. Devant le refus de Charles, et l’on peut imaginer les discussions entre les deux époux, Françoise refusa de plier. Il était naturel au XVIIe siècle que les épouses se soumettent aux décisions de leur mari. Or Françoise ne céda pas et pour montrer sa résolution, prit la décision de repartir dans sa famille à Coulommiers et d’assigner son époux en justice, rien de moins. On possède encore aujourd’hui la sentence ordonnée par le juge de Château-Thierry à l’encontre du beau-père et autorisant Françoise à procéder seule au mariage de sa fille. Charles ne se présenta pas à l’audience pour bien montrer son désaccord et sa mauvaise humeur. Mais il fut bien obligé de s’exécuter, le scandale dans une ville de province n’était pas bien vu, surtout pour les affaires. Le mariage eut lieu à Paris en 1627 et peu après Charles remit la dot dans son intégralité sous forme d’argent liquide, de rentes, d’une maison et de cinq fermes. Françoise resta presque un an à Coulommiers, reprenant le chemin de Château-Thierry peu après avoir obtenu satisfaction. Le petit Jean était alors âgé de 5 ans pendant cette querelle familiale, on ne sait s’il accompagnait sa mère ou restait avec son père à Château-Thierry.

La Fontaine ne nous parlera pas de sa mère, ni dans ses lettres, ni dans son œuvre. Il ne parlera pas non plus beaucoup des mères en général sauf dans la fable « Le Loup, La Mère et l’Enfant » où il met en scène une mère humaine qui tient le rôle de protectrice de son petit. « Il(le Loup)entend un Enfant crier/La Mère aussitôt le gourmande,/Le menace s’il ne se tait,/De le donner au Loup. L’animal se tient prêt,/Quand la mère apaisant sa chère Géniture,/Lui dit : « Ne criez point; s’il vient, nous le tuerons. » Également dans le conte Le Faucon on pourrait croire qu’il s’agit du récit d’un amour maternel, mais il n’en est rien car l’héroïne après avoir perdu son fils adoré « Sa douleur eut un terme assez court/ L’un fut le Temps, et l’autre fut l’Amour/On épousa Frédéric en grand pompe » nous narre La Fontaine. On ignore la date exacte du décès de Françoise, elle se situe aux environs de 1642 alors que La Fontaine approchait de l’âge d’homme. Elle laissa à chacun de ses trois enfants une belle somme. L’héritage fait à Jean disparut presque aussitôt, dilapidé probablement dans des plaisirs bien immédiats :  « J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique. La ville et la campagne, enfin tout. »

Pour terminer notre histoire, notons une anecdote un peu farfelue : Jean de La Fontaine fut sollicité par sa demi-sœur Anne pour écrire un certificat de mauvaise conduite concernant la fille d’Anne, nommée Renée de Prast.

Voilà comment un des auteurs les plus libertins de son siècle se trouva chargé par obligeance familiale de faire un certificat qu’il aurait pu se décerner à lui-même.

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