Coup de jeune sur Versailles ou Marie-Adélaïde duchesse de Bourgogne

Elle se situait à l ‘extrémité sud du grand canal. Louis XIV pour se démarquer des autres souverains désirait posséder de nombreux animaux exotiques dans un écrin construit par Le Vau. Au milieu des enclos se trouvait un palais dont la terrasse en arc du premier étage permettait de voir l’ensemble des animaux.

Louis XIV en offrit la jouissance à Marie-Adélaïde, duchesse de Bourgogne, l’épouse de son petit-fils. Alors âgée de 12 ans en 1697,elle fit la conquête du roi vieillissant en apportant à Versailles un souffle de jeunesse et de naïve gaîté.

Les appartements de ce palais miniature furent redécorés au goût de la duchesse et sur les indications du roi qui désirait « de l’enfance répandue partout ». Ce palais était donc à son usage exclusif et elle prit grand soin de son décor. Ce petit domaine champêtre est un des premiers signes de la quête d’intimité qui caractérise le XVIIIe siècle. Elle s’y rendit tous les jours, amenant avec elle ses amies de cour. Elle s’amusait à faire des gâteaux avec son époux, montait à dos d’âne, s’adonnait au plaisir du jardinage et se rendait à sa laiterie pour y faire du beurre servi ensuite au roi. Sa majesté le trouvait admirable...

Dans une des pièces de ce petit palais nommée Chambre des Amusements de la Jeunesse, y étaient représentés des enfants jouant à divers jeux : colin-maillard, quilles, bulles de savons...

Une autre pièce attire particulièrement notre attention, c’est le cabinet de Momus. Momus est un demi-dieu très joyeux du panthéon grec personnifiant les bons mots et la raillerie.

Ce cabinet était décoré de quatre-vingts fables de La Fontaine. Madame de Maintenon s’étant aperçue que la jeune duchesse faisait de terribles fautes d’orthographe avait conçu pour elle un programme d’études où les fables de La Fontaine tenaient une grande place. Ainsi trente ans après leur dédicace au Dauphin, les fables vont servir à l’éducation de celle qui aurait dû devenir reine de France.

Les peintures de ces fables étaient l’œuvre de Claude Audran, spécialisé dans la décoration d’appartements. Il excellait dans le décor de l’arabesque : méandres, souples enroulements, décor végétal et oiseaux. De ce décor il ne reste rien, il finit d’être détruit à la Révolution, l’ensemble des bâtiments ayant été laissés à l’abandon par les descendants de Louis XIV.

Au château de Réveillon, que nous avons eu le plaisir de visiter avec l’association, se trouvent dans le grand salon, des fables de ce même peintre, nous donnant une idée de la délicatesse du décor. L’ensemble des croquis d’Audran sont aujourd’hui conservés au musée de Stockholm.

Marie-Adélaïde mourut à vingt sept ans de la rougeole, son époux le Dauphin mourut une semaine plus tard suivi de son fils le duc de Bretagne, plongeant le roi et la cour dans une profonde tristesse.

Pour le trône de France, il ne restait plus que le dernier fils du couple, Louis de France, duc d’Anjou âgé de trois ans et qui allait devenir Louis XV .

Jean de La Fontaine n’a jamais été officiellement accueilli à Versailles, il n’y allait que comme un visiteur ordinaire et ses tentatives pour se rapprocher du roi et de bénéficier des bienfaits royaux ont été vaines : le roi avait la rancune tenace quant à la fidélité de La Fontaine envers Fouquet.

Lorsque Louis XIV crée dans les jardins de Versailles pour son fils le labyrinthe des fables, il s’agit des fables d’Ésope... Les fables de La Fontaine connaissaient pourtant un succès étourdissant !

Le décor de la galerie de Momus quelques années après la mort du poète est en quelque sorte une reconnaissance à Versailles de la renommée de son œuvre.

Coup de jeune sur Versailles ou Marie-Adélaïde duchesse de Bourgogne en image